Enquête : où en est le transport ferroviaire des granulats ?
Chaque année, l’UNICEM (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction) publie une enquête détaillée sur le trafic ferroviaire des granulats. Cette enquête est cruciale pour le secteur, car elle fournit des données essentielles pour évaluer les performances, anticiper les tendances, et identifier les défis spécifiques à ce mode de transport stratégique. En 2023, les résultats montrent un recul global du trafic, reflétant les tendances du secteur. Ce constat soulève des questions sur l'avenir de ce mode de transport, à la fois stratégique et écoresponsable. Dans cet article, nous explorons les chiffres clés, les dynamiques régionales, les avantages, et les perspectives pour cette filière essentielle.
Une brève histoire du transport ferroviaire de granulats
Le transport ferroviaire de granulats a une longue histoire en France. Depuis les premières grandes infrastructures ferroviaires au XIXe siècle, ce mode de transport a joué un rôle central pour acheminer des matériaux lourds sur de longues distances. Avec l'essor de l'urbanisation et des grands travaux publics au XXe siècle, il est rapidement devenu un pilier des chantiers d’envergure, notamment pour les projets d’infrastructures routières et ferroviaires. Pourtant, ces dernières décennies ont vu une concurrence accrue du transport routier, plus flexible mais moins durable.
Malgré cela, le transport ferroviaire reste stratégique pour limiter les nuisances environnementales et répondre aux besoins de chantiers qui nécessitent d’importants volumes de granulats. Le développement du Grand Paris, par exemple, illustre bien l’importance de cette filière dans la logistique urbaine moderne.
Trafic ferroviaire en baisse : un constat à nuancer
Selon les données de l’UNICEM, le transport ferroviaire de granulats a enregistré une diminution de 5,2 % en 2023 par rapport à l’année précédente. En termes absolus, cela représente 8,669 millions de tonnes transportées. Bien que cette baisse soit notable, elle reste moins marquée que le recul de 9 % observé dans la production globale de granulats. Cela montre que le ferroviaire conserve un certain niveau de résilience face aux fluctuations du marché.
Comparaison avec les autres modes de transport
Pour comprendre cette dynamique, il est utile de comparer le ferroviaire à d’autres modes de transport. Le camionnage, par exemple, offre une grande flexibilité pour les livraisons de courte distance, mais son empreinte carbone est bien supérieure. Quant au transport fluvial, il présente l’avantage d’un coût par tonne kilomètre très compétitif mais reste limité par la géographie et l’état des infrastructures.
En résumé, le ferroviaire occupe une position intermédiaire, offrant un compromis idéal pour les flux de moyenne et longue distance. Sa principale limite reste la couverture des réseaux et les coûts d’accès.
Les chiffres clés de 2023*
Les données récoltées par le service économique et statistique de l’UNICEM permettent de dresser un portrait précis de la situation actuelle :
- Tonnes transportées : 8,669 millions (-5,2 % par rapport à 2022)
- Tonnes-kilomètres (tkm) : 1 690 milliards (-8,1 %)
- Distance moyenne : 195 km (-3 %)
- Carrières connectées au réseau ferroviaire : 55, dont seulement 28 actives
Ces chiffres montrent clairement que le transport ferroviaire, bien qu’en baisse, reste un élément important de la logistique des granulats. Toutefois, l’inactivité de près de la moitié des carrières connectées au réseau pose question.
Les flux en détail : état des lieux et tendances
Près de 48 % des flux ferroviaires de granulats en 2023 ont été directement livrés sur les chantiers. Cette part importante souligne le rôle stratégique du ferroviaire dans les grands projets de construction, où les besoins en volumes et en logistique sont souvent critiques.
Focus sur les flux intra-régionaux
En 2023, 30,7 % des volumes transportés étaient intra-régionaux, une légère augmentation par rapport à 2021 (29,7 %). Ce chiffre représente 2,66 millions de tonnes. Cette augmentation pourrait être interprétée comme une amélioration de la proximité entre carrières et chantiers, réduisant ainsi les distances de transport et les coûts associés.
Les grands flux interrégionaux
Certaines régions se distinguent par l’importance de leurs flux interrégionaux. Les grands contributeurs sont le Nord-Pas-de-Calais, la Champagne-Ardenne et le Poitou-Charentes, dont les granulats sont principalement destinés à l’Île-de-France. Cette dernière reste un pôle de consommation majeur, en raison des nombreux chantiers d’infrastructures, notamment dans le cadre du Grand Paris Express.
Les avantages écologiques et stratégiques du ferroviaire
Le transport ferroviaire présente des atouts indéniables en matière de durabilité. Avec une empreinte carbone bien inférieure à celle du transport routier, il est essentiel pour réduire l’impact environnemental des chantiers.
Réduction des émissions
Le transport ferroviaire se distingue par son efficacité environnementale. En moyenne, il émet 75 % moins de CO₂ par tonne-kilomètre que le transport routier. Cette performance en fait une solution incontournable pour les entreprises engagées dans une démarche de réduction de leur empreinte carbone. Par ailleurs, son adoption contribue aux objectifs climatiques fixés à l’échelle nationale et européenne, tout en offrant une alternative durable pour le transport des granulats et autres matériaux de construction, souvent transportés sur de longues distances.
Moins de nuisances
Au-delà de ses avantages environnementaux, le transport ferroviaire génère également moins de nuisances pour les communautés locales. Comparé au transport routier, il réduit considérablement les nuisances sonores et limite la congestion sur les axes routiers, des enjeux particulièrement sensibles dans les zones urbaines denses telles que l’Île-de-France. Ces bénéfices se traduisent par une amélioration de la qualité de vie des riverains et une moindre dégradation des infrastructures routières, souvent soumises à une usure importante due aux poids lourds.
Les défis à relever
Malgré ses nombreux atouts, le transport ferroviaire de granulats fait face à des défis structurels et économiques. Les coûts élevés d'accès au réseau ferroviaire, les interruptions liées aux grèves, et la vétusté de certaines infrastructures limitent sa compétitivité et son attractivité pour les acteurs du secteur. Ces obstacles freinent le déploiement de cette solution pourtant avantageuse et nécessitent des investissements ciblés pour moderniser le réseau et renforcer sa fiabilité.
Coûts et compétitivité
Le coût d’accès au réseau ferroviaire reste un frein majeur pour les exploitants. En effet, bien que le rail offre des économies d’échelle sur le long terme, les frais initiaux peuvent être dissuasifs, notamment pour les petites entreprises. Par ailleurs, le transport routier, grâce à sa flexibilité et à des coûts d’utilisation souvent perçus comme plus abordables, constitue une concurrence directe. Cette situation met en lumière l’importance d’un soutien accru des pouvoirs publics, sous forme de subventions ou d’incitations fiscales, pour rendre le rail plus accessible et compétitif face à la route.
Source : UNICEM